Majo no Lullaby ~ La fiction

Parce que Majo no Lullaby, c'est aussi une fiction !

Prologue

Avez-vous déjà rêvé ?
Attention ! Je ne vous parle pas des rêves que l'on fait dans notre sommeil.
Ceux dont je vous parlent sont des rêves d'avenir que font pratiquement tous les enfants mais pas que. Et même si certains restent illusoires, personne ne vous empêche d'y croire.  
Tandis que pour les rêves que vous jugez réalisables, vous pensez que tout ce que vous devez faire c'est d'y croire de tout votre cœur et faire en sorte que ça arrive, non ? Vous devez sûrement vous évader parfois en y pensant, vous imaginant déjà dedans.
Mais, avez-vous déjà connu cette sensation horrible de perdre tous ses rêves emporté par un torrent aussi soudain et impossible qu'une braise qui se serait allumée à partir d'un bout de bois humide ? Sûrement pas.
 
L'histoire que je vais vous conter, c'est la mienne. Celle d'une jeune fille banale qui en en jour banal plongea dans une toute autre chose, beaucoup moins banale.
Apprêtez-vous maintenant à partir pour un voyage dans le monde du fantastique, ce monde inconnu et invisible. Mon nouveau monde.
Bienvenue à vous dans l'univers de Juri Satô, de mon prénom français Julie.

Chapitre 1

Quelques rayons annonçant l'aube se faufilaient à travers les volets de ma chambre pour se déposer délicatement sur mon visage. Ils me réveillèrent doucement juste avant la sonnerie horrible de mon réveil, qui ne se fit pas attendre. Je me levai difficilement pour rejoindre la salle de bain et m'habiller avant de descendre prendre mon petit-déjeuner, attendant Naomi. Elle devait venir me chercher après avoir déposé Adèle, sa petite sœur, au collège.
Je discutai un peu avec ma tante, ma mère étant déjà partie au travail et préparai mon sac de cours. En regardant par la fenêtre, je la vis arriver et j'ouvris la porte avant qu'elle ne réveille la sonnette de la porte d'entrée, horrible démon encore endormi pour l'instant. Je n'ai jamais supporté quelconques alarmes ou sonneries et ce n'était pas prêt de s'arrêter. Je les évitais autant que je pouvais mais en cours, c'était plutôt mission impossible.
 
Naomi me salua en essayant tant bien que mal de sourire, cachant les émotions que provoquaient en elle les souvenirs qui se réveillaient doucement dans son cœur en ce funeste jour d'Octobre.
En effet, aujourd'hui nous étions le 1er Octobre, jour de son anniversaire. Et jour de la mort de sa mère. Il y a 10 ans, j'avais dormi chez elle lorsque ce qui avait été qualifié de « braquage ayant mal tourné » s'était produit.
Étaient avec nous, sa mère et ses deux sœurs, son père ayant disparu depuis des années. Nous allions nous coucher avec sa plus jeune soeur dans leur grande chambre. Sa grande sœur allait elle dans sa chambre. Et, alors que sa mère allait fermer la porte doucement, elle la claqua beaucoup plus violemment que ce à quoi nous nous attendions. Puis, nous avions entendu un cri, suivi d'un autre plus aigu. Nous nous étions levées et avions ouvert la porte pour apercevoir dans la pénombre, le corps de sa mère, par terre, baignant dans un sang qui brillait à la lueur des étoiles. Nous avions aussi vu une ombre qui emportait sa grande sœur loin de nous, nous laissant seules et terrifiées. Nous étions rentrées toutes les trois dans la chambre, avions fermé la porte et nous nous étions prises dans les bras, tremblantes, en espérant que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve ou plutôt, un cauchemar.
Les secours étaient arrivés peu après ce drame, mais c'était déjà trop tard. Et le lendemain, la triste vérité était tombée devant nous qui étions encore incrédules.
Après, Adèle et Naomi vécurent dans une famille d'accueil qu'elles quittèrent il y a peu pour vivre seules désormais, ne supportant plus la présence des ces personnes qui essayaient de se prendre pour leurs parents alors qu'il ne savaient rien d'elles.
 
J'essayais de chasser les pensées noires qui m'envahissaient de plus en plus au fil de mes pas sur l'asphalte. Je sentais craquer sous mes pieds les feuilles rouges et oranges de l'Automne qui devenait de plus en plus présent. Cette saison que je suis venue à détester, à cause de ce seul jour. Premier d'une longue liste d'accidents qui se produisaient toujours ce jour-ci. Aucune année n'a encore échappé à la règle.
Nous arrivions devant le lycée où le soleil, dont les rayons pouvaient désormais passer dans les arbres dénudés, commençait à nous aveugler. Nous tournâmes notre regard et rejoignîmes  Lucile et Marion. Lucile en nous voyant arriver, nous fit un signe de main et nous lança un sourire lumineux comme à son habitude. Marion, elle plongée dans un livre nous dit un simple «bonjour», mais nous étions habituées depuis. Nous discutâmes un peu puis la tache de naissance en forme de goutte se situant dans mon cou commença à me brûler légèrement. Je mis ma main dessus par réflexe et je vis que les mains de mes amies se dirigaient également vers leur tâche de naissance. Ça ne dura que quelque secondes mais ç'eut le don de m'interpeller quand même. Mais, lorsque la sonnerie se fit entendre,je n'y pensai plus et je me dirigeai en cours. Nous avions la chance d'être dans la même classe cette année, mais ça ne sera sûrement pas pareil en première...
Les cours se déroulaient normalement mais je songeai encore à ce qui était arrivé ce matin et ainsi je leur demandai :
-ça vous dirait d'aller au parc après? Leur demandais-je
-Ouais, pourquoi pas. Me répondit Naomi
-Mais pourquoi tu veux aller là-bas? Dit Marion
-J'ai l'impression qu'il se passe quelque chose d'étrange.
Nous retournâmes en cours au bruit de l'alarme. Je finissais les cours tranquillement puis nous nous rendîmes comme prévu à ce que nous appelions le «parc». En fait, c'était juste un simple tronc d'arbre devenu grisâtre au fil des années placé sur le bord d'une falaise depuis laquelle nous pouvions voir la mer, qui était presque noire en ces mois-ci Nous ne savions plus exactement depuis quand nous venions ici. Ni depuis quand il se trouvait là. Certaines personnes disaient qu'il y avait une forêt ici auparavant et qu'il en était le reste. D'autres que c'étaient justes des personnes qui l'avaient emmené ici pour contempler la «Dame Grise», nom de cette mer plutôt turbulente qui restait sombre en toutes saisons.
Mais, aujourd'hui, le vent qui soufflait sur la côte était plus fort que jamais. La mer venait se plaquer de plus en plus haut sur les géants de pierre qui régnaient ici depuis des milliers d'années. Une peur indescriptible m'envahit mais je m'assis tout de même et commençai à raconter la chose étrange qui était arrivée ce matin, lors des premières lueurs du soleil qui avait disparu en fin de journée, caché sous de sombres nuages présageant une pluie qui se faisait attendre.
«Vous n'avez pas remarqué quelque chose de bizarre ce matin? Vous savez à un moment...»
Je ne pus finir ma phrase, interrompue par un bruit des plus inquiétant. Nous nous étions toutes retournées instinctivement et nous aperçûmes, effrayées, une fissure sur la falaise qui s'élargissait de plus en plus. Nous ne pûmes réagir à temps que déjà, nous vîmes le bord de la falaise. Nous étions en train de tomber.
Je tentai dans un dernier élan de désespoir de rattraper,en vain, le bord qui était devant mes yeux, mais ma main dérapa avec la pluie qui venait de commencer et dont les grosses gouttes coulaient sur la paroi de la falaise. Les dernières choses que je sentis furent le goût de l'eau salée sur mes lèvres et surtout, le froid qui m'envahissait. Puis je sombrai dans un profond sommeil.


 
Ce jour est vraiment maudit.  

 

Chapitre 2

La première chose que je sentais quand je reprenais connaissance était la sensation de mes cheveux lâchés, le ruban étant tombé sans que je ne me rappelle comment, qui virevoltaient dans l'eau. De temps en temps, des mèches venaient effleurer mon visage avant de repartir nager dans cette mare qui me paraissait désormais étrangement chaude et rassurante.

D'ailleurs, il me fallut un petit moment avant de me rendre compte que j'arrivais parfaitement bien à respirer. J'étais roulée en boule, mes jambes contre ma poitrine et mes bras qui les entouraient. Je ne bougeais pas, mon corps flottait entièrement. Cette sensation était vraiment agréable. Et vraiment étrange. Comme si j'allais renaître.

 

Puis, tout à coup, j'entendis une voix, ou plutôt un murmure à peine audible. Je comprenais tout de même que cette voix m'incitait à ouvrir les yeux et me réveiller ( bien que je le fusse déjà ) ce que j'essayais tout de même de faire,car les intonations de ce murmure, même si elles étaient douces et mélodieuses, ne m'étaient absolument pas familières. Il m'aura fallu plusieurs tentatives pour parvenir à ouvrir mes paupières, elles étaient d'une lourdeur indescriptible. On eut dit que quelqu'un voulait les tenir fermées.

Quand enfin ma vue était revenue, je constatai que je n'étais en fait pas dans l'eau mais dans un endroit étrange, mais toujours aussi rassurant et maternel. L'espace était clair et je pouvais apercevoir des reflets roses, reflets que possédaient également les bulles qui m'entouraient et qui était immobiles également. Je relevais doucement ma tête, qui me semblait également peser une tonne et je reprenais une position normale. Mes jambes touchèrent une bulle mais celle-ci n'éclata pas. Je tenais ainsi dans le vide, sans aucun autre support qu'une... bulle.

 

J'aperçus enfin la personne qui me disait,ou devrais-je dire chantait, des paroles qui se voulaient toujours aussi calmes et agréables. Cette femme, car cette stature et ces intonations de voix ne pouvaient qu'appartenir à un individu de la gente féminine, était vêtu d'une grande cape blanche pure et brillante, au dessus d'une robe également blanche. On ne pouvait apercevoir de sa peau ivoire que son visage, mais même celui-ci était à moitié caché sous une capuche. Je pouvait tout de même distinguer des cheveux argentés qui en dépassait mais qui ne flottait pas contrairement aux miens. Ils restaient immobiles et droits, descendant jusqu'à sa poitrine en se reposant sur ses épaules en cours de route. Ils semblaient incrustés de mini cristaux, comme des diamants qui brillait dans cet espace parfait.

Ses lèvres... J'hésite à en parler, de peur de faire une mauvaise description de la perfection effrayante dont elles étaient formées. Elles étaient ce que toutes les femmes aurait voulu avoir, à la naissance ou par le biais des opérations de chirurgie esthétique. D'une forme parfaite, elles étaient habillées d'un rouge à lèvre turquoises. Le sourire qu'elles affichaient ne consistait qu'à embellir encore leur aspect.

 

Cette fois ci, elle voulait que je vienne vers elle. Sans m'approcher, toujours méfiante, je lui demandai qui était-elle. Elle ne répondit pas. Je lui demandais alors où nous étions. Toujours pas de réponse directe, mais elle me disait de ne pas hésiter, comme si elle devinait mes pensées.

 

Puis, c'est seulement alors que je me rappelai de la chute, à la cascade. Me vint soudain l'idée que cet endroit attirant et sécurisant pouvait être un passage vers « l'autre monde » et cet être parfait voire Divin, celle qui allait m'y emmener.

« -Si je prends votre main, je disparaîtrais ? » questionnai-je d'une voix un peu plus fébrile tandis que je levais ma main vers ses bras qui étaient tendus vers moi, prêts à m'enlacer à tout moment.

Toujours pas de réponse.

 

Soudain, cette voix si apaisante devint plus violente, plus abrupte, me demanda d'ouvrir quelque chose sans préciser quoi, peut-être un passage vers le paradis ou je ne sais quoi ? Enfin, ce serait à elle de l'ouvrir normalement. J'abaissais ma main et faisait un pas en arrière.

-Ouvre-le.

-Ouvrir quoi ?

-OUVRE-LE !

-QU'EST-CE QUE JE DOIS OUVRIR ?!

 

En un instant, la femme se retrouva juste devant mon visage, la capuche enlevé, les yeux grands ouverts, du même bleu profond que ses lèvres. Son sourire amical se transforma en rictus machiavélique qui me fit trembler de peur. L'univers avait beau rester rose et lumineux, il me sembla beaucoup plus hostile. Je comprenais que c'était elle qui régissait cette endroit, et que les sentiments que je ressentais là-bas était sous son contrôle. En changeant subitement, elle voulait me faire prendre peur, ce à quoi elle avait très bien réussi, et m'inciter à ouvrir cette chose plus vite, pour être libérée plus vite. Et vu son expression, cette objet ne devait pas être banal et sans importance.

 

-OUVRE LE SCEAU ! Me cria-t-elle soudainement, sans me laisser d'échappatoire possible.

 

Je sursautai et écarquillai mes yeux si rapidement que je ne me rendis pas compte tout de suite que ce n'était qu'un rêve. Quand je revins à mon état normal, car les tremblements eux étaient bien réels, je remarquai la présence de 3 personnes dans la chambre d’hôpital où je me trouvais.

La première que je vis plus clairement était une femme d'une quarantaine d'année, assez petite et fine, des cheveux châtains courts et des yeux verts assez clairs. Elle portait une blouse, sûrement devait-elle être médecin.

La personne qui se trouvait à sa droite était une jeune infirmière beaucoup plus grande qu'elle, des yeux noisettes et des cheveux dorés courts dont les plus longues mèches pouvait toucher ses épaules. Elle affichait une mine assez inquiète, serrant contre sa poitrine un dossier.

La dernière personne se trouvait en face du médecin. C'était un garçon mignon, pas extraordinaire, qui avait l'air d'avoir mon âge, si ce n'est un peu plus. Mais ce qui me frappa fut ses yeux : ils étaient d'un magnifique gris clair, grands et brillants. Des reflets presque métalliques les emplissait mais leur regard était doux et vous inspirait une confiance irrationnelle à la vue de cet inconnu. Des mèches brunes aux reflets légèrement cuivrés encadrait son visage fin, contrastant avec la pâleur de sa peau. Quelques boucles de ses cheveux légèrement ondulés retombait sur son épaule. Je me concentrais maintenant sur les traits désolés qu'affichaient son visage. Apparemment, il se disputait avec le médecin.

 

L'infirmière leva les yeux et me regarda un moment avant d'indiquer aux autres participants que j'étais réveillée. J'essayais de demander où j'étais exactement mais ma voix ne voulait pas sortir, elle restait coincée dans ma gorge qui était terriblement sèche, sûrement à cause du sel de l'eau de mer que j'avais du avaler.

 

-Ne te force pas, il semble que toi et tes amies avaient vécu quelque chose d'assez dur. Me dis le docteur qui avait semblé voir ma gêne.

 

La porte s'ouvrit en trombe, nous surprenant tous, et une masse blonde fonça vers moi. Je reconnus Lucile cachée derrière la frange faîte avec ses longs cheveux blonds qui devenait de plus en plus ondulés à mesure qu'ils grandissaient. Et ses magnifiques, rares et étonnants yeux violets pâles. Il n'y a pas une personne qui l'eut envié pour ces yeux ou juste pour elle tout court. Car Lucile était vraiment une belle fille, le devoir était de l'admettre. Elle était grande, ses jambes longues et fines et sa peau au ton légèrement mate la faisait ressembler à une surfeuse australienne. Ses formes étaient peu marquées mais son corps consistait tout un ensemble gracieux et terriblement attirant. Sa voix cristalline résonnait comme les cloches d'un ange.

 

-Julie ! J'ai eu si peur ! Tu ne te réveillais pas !

-Nous allons vous laisser parler, dis le médecin en partant, suivie de l'infirmière et du garçon qui me lança un dernier regard emplis d'une émotion que je n'ai su reconnaître.

 

Une fois seules, elle m'inspecta avant de s'asseoir au bord de mon lit.

 

-Tu dis que je ne me réveillais pas, pendant combien de temps j'ai dormi ?, questionnai-je

-3 jours.

-Tant que ça ?!

 

Elle acquiesça d'un signe de tête qui fit balancer quelques mèches ocres. Puis un silence lourd s'installa pendant quelques moments avant qu'elle ne reprenne :

 

-Dis Julie, me demanda-t-elle, la voix tremblante.

-Quoi ?

-Tu y crois, toi ? À ces histoires de sorciers et tout ça … ?

-Hein ?

-Il ne t'en ont pas encore parler ?

-Je viens de me réveiller et tu est entrée avant qu'ils n'aient pu dire quelque chose.

-Ah...

 

De nouveau le même silence. Imposant.

 

-Alors, de quoi tu me parlais ? Lui demandais-je afin de le briser.

-Ah... Peu après mon réveil, lorsque j'ai dis que nous étions toutes tombées de la falaise près de la mer, ils m'ont affirmé qu'il n'y avait pas de falaise et de mer ici à moins de 500km...

-C'est vrai ?! Criais-je, surprise et incrédule.

-Hier, Marion est partie vérifier.

-Et … ?

-Elle devrait revenir bientôt.

-... Attends, tu ne m'as pas parlé de sorciers ou je ne sais quoi ?

-Si ! Ils m'ont aussi dit des choses complètement comme quoi nous ne sommes plus dans la même dimension, qu'ils sont des sorciers ou des mages ou des magiciens enfin bref appelle les comme tu veux ! Et que nous étions des leurs !

-Quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

-Je n'en sais rien...

 

Ma respiration s’accéléra, la panique me prit soudainement. Mettant mes mains sur ma tête, je pensais à haute «Putain, dans quelle merde on s'est foutues ?! ». Lucile, elle se demandait où avait-on pu atterrir. C'est vrai,  il fut impossible qu'il existât une ville peuplée de gens totalement fous et qu'on les laissât vivre en totale liberté ! La peur que je ressentais à ces histoires se mêlait au reste de celle de mon cauchemar. Je criai soudain que je voulais rentrer et ne jamais être allée sur cette falaise maudite, en ce jour maudit !

Lucile se leva d'un mouvement brusque et me regarda, soudain plus agressive. Je n'avais eu que très peu l'occasion de la voir énervée ainsi.

 

-Tu es sérieuse ? Tu viens juste de te réveiller et tu veux déjà rentrer ? Tu t'imagines au moins ce que ça fait pour nous ?

 

Elle fit une pause et reprit de plus belle, sa jolie voix disparaissant sous le coup de la colère.

 

-Ça fait 3 jours que nous sommes ici, nous ! ça fait 3 jours que nous attendons ton réveil sans même pouvoir avoir de nouvelles de notre famille pour des raisons qu'on ignore ! C'est vraiment pas toi qui est la plus à plaindre ici, tout ce que tu as fait, c'est dormir tranquillement !

 

Je méditai ses paroles. Elle avait entièrement raison, je n'était pas la plus à plaindre. Je souffrais depuis peu de temps alors que ça faisaient des jours qu'elle devaient endurer l'inquiétude de rester dans une ville inconnue. Je baissai les yeux, ne sachant pas quoi répondre, gênée de mon égoïsme.

 

-Je suis désolée, c'est juste que j'en ai vraiment marre...

 

Tout à coup, la porte commença à s'ouvrir doucement en laissant échapper un petit couinement, je regardai la personne qui l'ouvrait et j'aperçus une petite tête baissée, entourée de cheveux châtains mi-longs. Elle referma la porte tout aussi doucement, se rapprocha délicatement, tel un oisillon. Ses pieds effleuraient à peine le sol. Elle relevai ses yeux émeraudes afin d'observer la pièce. C'était Naomi. Elle posa son regard sur Lucile, puis me vit et laissa échapper un faible « Julie ? » avant de laisser échapper quelques larmes qui s'étaient sûrement accumulées avec l'angoisse qu'elle avait ressentie au fil des jours. Mais pourtant, elle souriait. Son visage aux aspects enfantins illuminait la pièce.

 

-Tu es réveillée... J'ai eu si peur que tu partes pour toujours... Tu es là aussi, Lucile...

 

Elle se rapprocha pour se placer à la droite de la grande blonde qui la dépassait d'une bonne vingtaine de centimètres puis devint hésitante.

 

-Qu'est-ce qu'il y a ? Lui demandais-je

-Je... J'ai entendu crier... Il s'est passé quelque chose ?

-Non, rien, tu as du rêver. Lui répondais-je après avoir échangé un coup d’œil furtif à Lucile. Je me sentais mal de lui mentir même si ce n'était pas un mensonge si terrible.

 

Lucile l'interpella alors et elle parla des sorciers. Naomi aussi avait entendu ça. Désormais notre seul espoir était que Marion revienne et nous disent « Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas vrai. » Mais il s'anéantit instantanément quand nous entendîmes un « C'est vrai » juste après qu'elles aient parlés des sorciers.

 

 

Mon futur ne m'avait jamais semblé aussi incertain que maintenant.

 

Chapitre 3

 

Une nouvelle fois, tout mes espoirs s'effondraient après de simples paroles. Une fois encore je devais affronter une vie qui ne voulait plus de moi. Une fois de plus j'étais éjectée du monde bienveillant que j'avais connu pour atterrir dans ce monde effrayant et farfelu. Une fois de plus, je sombrais dans les bras de l'inconscience. Une fois de plus, je me renfermais dans un rêve qui devenait ma réalité

 

J'entendais parler autour de moi des gens, mais je ne pouvais plus me concentrer pour savoir qui c'était ou plutôt, je ne voulais pas savoir. Tout ce que je voulais, c'était retrouver ma tante, ma mère, les autres amis que nous avions au lycée, notre classe, nos profs, les cours. Pour la première fois, je me rendais compte à quel point j'aimais ma vie d'avant. Même si j'avais toujours été seule au niveau sentimental, j'aimais ma vie et me la voir arrachée ainsi ouvrait en moi une énorme cicatrice, comme si on avait pris un couteau et que l'on avait ouvert une énorme plaie sur ma poitrine.

Tout à coup, je sentis quelqu'un me baffer, je sursautais et me relevai, rageuse, afin de m'acharner sur celui qui m'avait frapper. Je me tournais et voyait une infirmière, tout aussi surprise que moi de mon soudain bond. Apparemment, j'avais juste perdu conscience sous le choc, et elle voulait s'assurer que je ne tombe pas dans un état comateux. Une fois que j'avais réussi a les faire sortir en insistant sur le fait que j'allais parfaitement mieux, nous nous retrouvions toutes les quatre avec Naomi, Lucile et Marion,qui était à peine revenue. Inquiétées par mon évanouissement soudain, elles n'avaient pas encore parlés de ce qu'avait dit cette dernière. Naomi commença alors :

 

-Alors, c'est vrai ?

-Oui, tout est vrai. Je l'ai vu.

-Alors, qu'est-ce qu'on va faire ? … Et, nous sommes aussi des sorcières ?

-Pour ça, je n'en sais rien. En tout cas, une chose est bien sûre, c'est que nous ne sommes plus sur Terre ou tout du moins, plus dans un endroit que nous connaissons. Par contre …

-Quoi ? Demanda Lucile, troublée.

-D'après ce qu'ils m'ont dit, ayant atterri ici nous ne pouvons plus retourner chez nous. Ils peuvent nous renvoyer mais ce serait contre leurs règles, et le fait que nous soyons ici doit dire que nous devons les respecter aussi.

-Mais qu'est-ce que je vais faire ? Adèle a besoin de moi ! Cria Naomi, totalement déboussolée.

-Ça ne sert à rien de me le dire. J'y peux rien

-Désolée, c'est juste que c'est trop...

-Au moins, on est pas seules dans ce bordel.

-C'est vrai ! Dis-je, tant que nous resterons ensemble, ça pourra aller.

-Julie a raison, mais on devrait tout de même aller les voir, proposa Lucile.

 

Ne pouvant pas encore me lever, je les regardais partir, le cœur serré. Je ne pouvais qu'attendre, et mon inutilité me blessait. J'avais l'impression d'être un poids. Je regardais par la fenêtre. La différence avec le « monde que nous connaissons » était quasiment inexistante, et si Marion ne l'avait pas confirmé, j'aurais encore du mal à croire que nous ne sommes plus chez nous. Les mêmes arbres, le même ciel bleu, les mêmes oiseaux. Le seul changement était les bruits de voiture, inexistants. Intriguée, je pris les béquilles posées près de mon lit, et j'essayai de me lever. Je posai un pied, qui tangua un peu, puis l'autre, en m'appuyant fortement sur les béquilles. Je fis un pas maladroit, tel un oisillon. Je ne m'était jamais sentie aussi faible physiquement et ça ne pouvait qu’accroître mon impression d'inutilité. Je regardai par la fenêtre, et vis, surprise, les véhicules des sorciers. Les personnes ne marchait pas mais volait à quelques centimètres de sol, il glissait comme si ils faisaient du patin, mais dans l'air. L'équivalent des voitures était une machine y ressemblant beaucoup, a la seule différence qu'elle ne touchait pas le sol non plus. On ce serait cru dans un mauvais film de science fiction. Tout était très calme dans cette ville, en l’absence des bruits de cylindrés. Mes yeux balayaient tout les recoins de la cité qui étaient visibles à travers ma fenêtre.

L'hôpital où nous étions semblait un peu éloigné de la ville. Je pouvais voir au loin quelques immeubles, imposants mais semblables au nôtres, tout l'était. Les maisons, les arbres, le ciel, le soleil, les vêtements des passants, les animaux... Une larme solitaire coula le long de ma joue gauche, je l'essuyais rapidement avant de repartir m'allonger vers mon lit. Les filles entrèrent ensuite, dépitées. Elle n'avait pas besoin de m'expliquer ce qui s'était passé pour que je comprenne.

 

-Ils nous laissent 1 semaine pour retourner chez nous faire nos affaires, après quoi nous devrons partir et si nous ne revenons pas, ce serons eux qui iront nous chercher. Me dit Marion.

 

Une semaine... C'est bien court pour faire des adieux à quinze années d'une vie normale. Je n'aurais même pas pu retrouver mon père. Dire que j'avais même pris des cours de Japonais en plus juste pour espérer avoir plus d'infos sur lui.

 

Selon ce que m'a dit ma mère, mon père est un grand entrepreneur japonais. Ils se sont rencontrés à Paris dans un café alors qu'il était en voyage d'affaire et sont directement tombés amoureux. Malheureusement pour mon père ce n'était qu'une aventure, il était déjà marié. Quand elle a su qu'elle était enceinte de moi, elle n'a pas pu le contacter : il n'avait laissé aucune trace. Rien. Elle a décidé seule de me garder et de m'élever et j'admire son courage, même si j'aurais aimé qu'elle soit plus présente dans ma vie. Elle allait sûrement être bouleversé par mon départ soudain, nous étions toutes les deux des sentimentales et c'était une de nos rares ressemblances, car j'avais plutôt hérité des traits asiatiques de mon père. Et d'une partie de son caractère.

 

 

Au bout de quelques jours, après que ma condition soit redevenue normale, nous partîmes. L'infirmière qui nous accompagnait jusqu'à un passage nous avait montré un peu la ville, et expliqué quelques coutumes des magiciens. Aujourd'hui était jour du marché et beaucoup de personnes s'étaient rassemblées pour faire les meilleures affaires dans les petites échoppes multicolores alignées sur la place. Des voix fusaient de tous côtés, nous ne savions plus où poser nos yeux émerveillés. Sur les petites tables en bois reposaient des objets tous plus étranges les uns que les autres, des boules de cristal, des mini-roues comme j'avais vu des gens en portaient, qui servaient entre autre à voler. Des fioles remplies de diverses solutions aux propriétés étonnantes. De gros bouquins poussiéreux s'entassaient et malgré leur âge, ils avaient l'air de valoir leur pesant d'or.

Certains marchands faisaient essayer leurs items, ainsi nous pouvions voir des boules de feu voler de temps à autre, ou des gens disparaître sous une épaisse cape. Ce n'était pas très original à vrai dire, et les ressemblances avec un bon vieux film Fantasy étaient de plus en plus frappantes.

C'était la foire aux bonnes (ou moins bonnes) affaires malheureusement nous n'avions plus le temps de nous attarder aux étalages. De toute façon, nous aurions sûrement l'occasion d'assister à beaucoup d'autres marchés.

Nous nous enfoncèrent dans des allées de plus en plus sombres, nous éloignant des lourds bruits de la ville. Quelques magiciens au regards un peu plus sombres et aux laines noires nous regardait parfois. La rue où nous passions était la plus sombre de toutes. Lucile tressaillit face au miaulement d'un pauvre chat de gouttière qui passait par là. Nous nous aventurions de plus en plus profondément quand nous arrivâmes devant une vieille boutique portant l'inscription « Chez Harridson ». Il y avait une grande fenêtre devant mais nous ne pouvions rien voir car d'épais rideaux bordeaux empêchait les curieux de voir. Adèle, l'infirmière, pénétra dans le magasin et naturellement nous la suivions, mais il fallait avouer que la boutique nous faisait toutes très, très peur.

 

L'intérieur n'était pas plus rassurant. Les murs étaient fait de pierre froide et le sol était un vieux plancher grinçant à chaque pas. L'espace était très peu lumineux, la pièce était immense mais il n'y avait que quelques ampoules suspendues au plafond ci et là. Nous avancions à petit pas, Lucile était terrifié. Elle n'a jamais été très courageuse et elle a toujours eu peur du noir. C'était ce qui faisaient qu'elle était extrêmement mignonne et attachante. Le monde était obligé de craquer pour elle, obligé de vouloir protéger cette impression d’existence fragile qu'elle faisait paraître. Avec ses cheveux blonds clairs, elle ressemblait à un poussin à peine sorti de l’œuf. Ce qui était assez ironique étant donné que Lucile est en vérité très grande, elle me dépasse d'une tête.

 

Puis, sortant de la pénombre, un petit homme barbu se dandina vers nous. Il était plus petit encore que Naomi, celle-ci étant la plus petite d'entre nous quatre. Il croisa les yeux de l'infirmière et la fixa d'un air maussade avant de lui demander ce que nous voulions. Apparemment, il n'était pas le bon commerçant du coin mais ressemblait plutôt à un marchand du marché noir. Agnès lui tendit une lettre qu'il ouvrit rapidement et referma aussi vite avant de nous inciter à le suivre.

 

Au milieu des cartons et des livres se dressai un magnifique miroir ancien, sculpté tout le long de la glace. Au dessus se dressait un aigle aux ailes d'or pur, dominant. Ses yeux étaient des saphirs perçants. Dommage qu'il fut aussi poussiéreux, sans quoi il devait être encore plus beau.

 

-Je vous ai amenés ici, maintenant vous faîtes ce que vous voulez, ce n'est pas mon problème. Dit le vieux Harridson avant de repartir dans l'obscurité et de disparaître sous les innombrables babioles de toute genre.

 

L'infirmière se retourna vers nous et nous fixa, comme si elle attendait quelque chose. Ne voyant aucune réaction de notre part, elle nous demanda de lui montrer notre cou afin d'apposer un sceau qui nous empêcherai de parler de ce monde. Il était assez évident que nous n'allions pas le faire, si nous ne voulions pas nous retrouver à l'asile avant même de revenir ici. Étant la première en ligne, je me tournais tout de même et soulevait mes lourds et épais cheveux bruns. Elle inspecta ma jugulaire, comme un vampire en quête d'une veine, et émis un petit cri surpris. Je tournai un peu la tête en me demandant, inquiète, ce qu'elle avait pu voir dans mon cou.

 

-Comment se fait-il que tu ai déjà un sceau ?

-Hein ? Je n'en sais rien moi.

-Soit, vous êtes déjà venues ici, soit quelqu'un vous avez apposé un sceau sur Terre, ils sont invisibles là-bas. Elle réfléchit un instant puis repris. Ce doit être la raison pour laquelle on arrive à peine à percevoir votre pouvoir. C'est évident qu'avec la dose que vous émettez en ce moment vous n'auriez pas pu ré-ouvrir le passage, même à quatre. A mon avis, ce sceau contient vote pouvoir mais je ne sais pas pourquoi. Peut-être quelqu'un l'a-t-il décelé et en a eu peur ? Mais c'est vraiment bizarre. Il date d'à peu près dix ans je dirais, vous n'aviez que 6 ans et à cet âge là, les enfants ne sont pas censés émettre de pouvoir. Elle fit une autre pose, pour reprendre sa respiration puis continua.

La vraie différence entre les sorciers et les humains se fait à la puberté où le potentiel est révélé. Votre sceau doit être usé aussi, si vous avez pu ouvrir le passage malgré la restriction. A mon avis, quand vous êtes en danger, l'adrénaline profite d'une fissure dans le sceau pour libérer du pouvoir. Je ne vois pas d'autre raison. Il faudrait aller voir un spécialiste des sceaux quand vous reviendrez.

 

Un long silence suivit ce monologue, personne ne savait quoi dire. A vrai dire, toutes ces histoires nous dépassaient encore. Et pour rajouter une touche dramatique à notre situation, quelqu'un avait peur de nous. Et nous savions toutes ce que la peur pouvait engendrer chez quelqu'un.

 

-Dans tous les cas, je ne pourrais pas mettre un autre sceau, seuls les plus doués en sceaux peuvent en apposer plusieurs sur une personne. Promettez-moi de ne rien dire, d'accord ?

 

Nous hochâmes toutes de la tête, et l'infirmière se retourna vers le miroir. Elle commença a murmurer très rapidement quelques paroles incompréhensibles et un léger courant d'air commença à se lever autour d'elle, faisant voler quelques mèches blondes. Le courant d'air s'accentua et se transforma en un léger vent qui fit virevolter sa jupe. Elle joignit ses mains et une faible lumière orangée apparu. Elle écarta ses mains de telle sorte que la petite boule magique forme un grand cercle orange, nous illuminant tous. En prononçant quelques dernières paroles, elle lança la sphère vers le miroir. Celle-ci l’imprégna de toute part et se répandit dans la surface entière pour que le miroir ne soit plus qu'une masse translucide aux reflets rougeâtre.

 

-Voila, le passage est ouvert, vous n'avez plus qu'à foncer !

-C'est à dire ?

-Touche le miroir !

 

Je m'approchais doucement et levait mon bras lentement vers la sphère orangée. Un doigt en effleura la surface, et déjà je fus aspirer à l'intérieur du miroir. Prise de panique, j'essayai de sortir de la membrane rouge qui m'entouraient mais celle-ci, comme vivante me retenait. Elle bougeait à toute vitesse mais je ne voyais rien de ce qui se passait à l'extérieur. Je me sentais emportée comme dans une spirale. Mes cheveux tout autour de moi volaient ainsi que mes vêtements trop larges. Je n'arrivais plus à rien distinguer sauf cette lumière.

Les mouvements brusques se calmèrent enfin et je sentis mon embarcation se posait. A ce moment là, ma locomotion se posa avant de rétrécir sur soi-même pour disparaître et me remettre à l'air libre. Un vent frais replaça mes mèches noires derrière ma tête. Je regardais autour de moi et constatait que je me trouvais au Parc. Quelques secondes plus tard, ce fut Naomi qui atterrit à mes côtés, tout aussi secouée que moi par ce premier voyage. Arrivèrent enfin Lucile et Marion.

Nous reprenons nos esprits avant de partir rentrer chez nous.

 

Le temps des adieux était arrivé. Bien trop tôt.